1989 – La fin des années 80 ?
19 novembre – 23 décembre 2022
18 Août, Alessandro Mendini, Jasper Morrison, Jean Nouvel, Michelangelo Pistoletto, Philippe Starck
Le 31 décembre 1989 à minuit, les années 80 prenaient fin. Les années 80 inaugurées en grande pompe par le groupe Memphis étaient terminées. En décembre 1989 la galerie Néotù présentait le travail de Jasper Morrison. Ce même designer faisait la une du dernier numéro de l’année du magazine Intramuros. La même année les éditions Memphis lançaient la collection Metamemphis consacrée au mobilier d’artistes. Le groupe Memphis, lui, était déjà dissolu depuis deux ans. Très clairement dans la presse, dans les salons, le style 80 s’était épuisé. Marre de l’exubérance, marre de la débauche de couleurs, les temps devenaient plus sombres et plus sérieux. Dans les écoles d’art et d’architecture on entendait « ça fait trop 80 ».
Parce que les années 80 sont désormais réhabilitées, qu’elles ont définitivement pris place dans les musées et chez les antiquaires, on peut enfin les regarder avec la distance nécessaire et aussi, comme on le ferait pour une grand-mère coléreuse, avec un certain amour, de l’attachement, une forme de respect, en lui accordant des excuses.
1989 est une exposition consacrée à quelques objets qui annoncent la décennie qui arrive. Car 1989 n’appartient plus vraiment aux années 80 mais déjà aux années qui les suivent.
Si le début des années 80 est mouvementé, coloré, vivant, la fin des années 80 annonce l’accalmie de la décennie à venir. On dit souvent que les décennies se répondent. Au regard de l’exubérance des années 80, les années 90 furent raisonnées, poétiques et finalement plus radicales.
En 1989, la France fête le bi-centenaire de sa révolution. En Italie, un français, a l’idée de passer commande à Alessandro Mendini d’une ligne de meubles pour les Instituts culturels français d’Italie. Cette collection, la collection Légion Étrangère, a cela de particulier que si le registre formel est bien celui de Mendini il est déshabillé des couleurs éclatantes. Ici des couleurs douces, rose, vert amande, vert kaki clair, bleu ciel habillent les meubles. Les assises des sièges sont en toile de jute. Ni skaï, ni imprimé panthère.
En 1989, Jasper Morrison, qui depuis 1981 cherche à s’écarter de l’esthétique Memphis, trouve l’idée brillante de fabriquer du mobilier à partir d’un matériau des plus courants, le contré-plaqué. Simplement verni, celui-ci a la beauté de la rigueur et
de l’économie.
En 1989, Jean Nouvel, invité à concevoir un hôtel qui surplombe la vallée de la Garonne, l’Hôtel Saint-James, dessine une ligne de mobilier dont les formes rondes, généreuses, froncées et posées sur des pieds très fins évoquent un mobilier presque enfantin, informel, proche des corps qui s’y posent car confortable. On est loin des postures anguleuses du milieu des années 80.
Invité en 1989 à concevoir un mobilier pour la collection Metamemphis, Michelangelo Pistoletto, qui n’est pas un designer mais un artiste plasticien, répond par une sculpture reprenant la forme générale d’un meuble haut. Si la forme évoque bien quelque chose de connu, l’usage a disparu. Pas de couleurs, un matériau évident, le carré d’acier, une transparence qui n’en cache pas moins la générosité d’un meuble dont l’usage est à inventer par l’utilisateur.
En 1989, Philippe Starck, toujours en avance sur son temps, conçoit une collection de chaises totalement anachroniques. Celles-ci, en bois, voire paillées, et reprenant les codes des chaises populaires, ré-inventent une forme, intelligemment mais en douceur.
En 1989, trois très jeunes designers qui ont pris le nom de 18 Août depuis deux ans, Fabrice Berrux, Bruno Moretti et Pascal Oriol, conçoivent le luminaire Ziggourat. Ziggourat est un empilement d’abat-jour que l’on trouve dans le commerce. Ici, pas de fabrication mais une intelligence dans l’utilisation des objets trouvés. Cette attention aux objets existants n’est rien d’autre que la prise en compte d’un environnement et de l’économie de production. Car le faste des années 80 est bien terminé. Faisons donc au mieux avec ce qu’il y a. On est ici déjà entré dans les années 90…